Décembre 2016. Les rues dans la capitale Cambodgienne est le summum du bordel d’Asie du Sud Est. La circulation dense ne semble suivre aucune loi ici si ce n’est celle du plus fort. Le brouhaha est infernal entre le ronronnement des moteurs, le crissement des freins, les grands coups de klaxons des véhiculent qui veulent s’imposer aux autres et les tuk-tuk à la recherche de clients qui nous hèlent tous les 10 mètres. Même sur les trottoirs, les passants ne sont pas prioritaires, impossible d’y marcher sans devoir contourner un restaurant de rue ou des scooters qui s’y sont garés.
Cependant, comme nous avions quelques choses à fêter, (NON! je ne le dirais pas… je ne VEUX pas le dire… Bon, ok 🙁 … j’ai eu 30 ans…) et c’est pourquoi, nous n’avons pas exploré la ville comme nous aurions dû.
A la place, nous avons réservé une petite suite confortable du nom de Angkor Wat, rien que ça…
Nous avons pu nous reposer dans un « petit » lit douillet… (OuUUUUuuuuiiiiiiiiiiiiiiiiiiinnnnnnnnnnn, je veux y retourner !),
Prendre des douches CHAUDES (Non, sans blague, ça existe en fait l’eau chaude au Cambodge?!),
Prendre un savoureux petit déjeuner sur notre terrasse,
Et puis, nous avons, la majorité du temps, profité de la piscine.
Et comme ce n’est pas tous les jours la fête on s’est offert un bon restaurant méditerranéen ! Au menu:
- En entrée : poivrons marinés,
- En plats : poulet aux olives et crevettes flambées au pastis,
- Et en dessert, mousse au chocolat. (Mais c’est sur un beignet mangé plus tard, que je soufflerai mes bougies !)
Le tout arrosé d’un petit rosé de Provence, santé !
Vous l’aurez compris, nous avons eu envie de recréer l’ambiance d’un jour d’été chez nous et, excepté le chant des cigales remplacé par les coups de klaxons, c’était plutôt réussi !
Pf me connaît bien, il sait que je suis gourmande et que je reste belge avant tout, mon troisième cadeau d’anniversaire a donc été… des pralines belges !
Autant vous dire que c’est ce programme d’anniversaire qui nous a pris le plus de temps.
Nous avons quand même aperçu le palais royal, fait un petit tour à l’institut français à la recherche de nouvelles lectures
Et nous avons commencé à ressentir l’esprit de Noël (même si avec 30 degrés dehors, ce n’est pas facile !) grâce aux décorations et chansons présentent dans les magasins.
Nous avons aussi pris le temps d’en apprendre plus sur le passé noir de la ville. En nous rendant sur les lieux de souvenirs en scooter, nous avons fait demi tour dans un endroit non autorisé. Et vu qu’au Cambodge, comme on vous l’a dit, personne ne respecte le code de la route, nous pensions bien faire. Grosse erreur ! Pas de chance pour nous, les policiers en face ne nous ont pas loupés ! Après les vérifications habituelles de papier, nous avons eu 10 dollars « d’amendes »…
Prison S21, musée du génocide
On ne connaît pas bien le triste passé du Cambodge mais la capitale a rapidement comblé nos lacunes. Pour la faire courte, (on est pas Wikipedia !) en avril 1975, les Khmers Rouges dirigés par Pol Pot libèrent Phnom Penh.
Enfin c’est ce que le peuple avait espéré, mais en 3 jours la ville est entièrement évacuée de ces habitants. Se retrouvant condamnés à une quinzaine d’heures de travail forcé par jour et nourris uniquement d’un bol de riz par jour, seuls les travailleurs les plus vigoureux résistent. En effet, le nouveau dictateur veut tripler la production de riz. Tous les intellectuels ou prétendus (le seul port de lunettes suffit à être catalogué intellectuel) sont jugés dangereux par le régime. La moindre suspicion ou dénonciation condamne l’accusé à la prison S21, pour récolter des aveux sous la torture.
A l’aide de l’audio guide nous marchons derrière cet ancien lycée reconverti en prison. Le premier bâtiment est celui de la salle d’interrogatoire composée d’un sommier et de chaînes où les prisonniers étaient attachés et torturés ainsi que d’un bureau avec une chaise où ils avouaient leur trahison à l’égard du régime.
Voici les quelques règles que les prisonniers devaient respecter…
Dans la cour, on peut encore voir la potence. Les prisonniers attachés par les pieds étaient suspendus la tête en bas et descendus dans un vase rempli d’excréments à chaque évanouissement.
Il reste moins de trace de l’horreur dans le deuxième bâtiment. Le troisième est le mieux conservé, nous déambulons au milieu des minuscules cellules qui pouvaient accueillir à la fin du régime, 3 ou 4 pensionnaires.
Difficile de ne pas ressentir un sentiment de malaise.
La mise à mort des prisonniers devait être autorisée et signée par Dutch, le directeur de la prison, seulement après que les aveux soient faits, les gardes ne devaient absolument pas les tuer lors d’une séance de tortures et il était hors de question que les prisonniers abrègent leurs souffrances en se suicidant, tout était donc mis en place pour éviter cela.
Le plus saisissant reste toutes les photos des visages prises à l’arrivée des prisonniers. En effet, le génocide des cambodgiens a été méticuleusement documenté. Chaque nouvel entrant était fiché, photographié et se voyait attribuer un numéro. Que penser en regardant ces visages et en sachant qu’aucun d’eux n’est sorti vivant d’ici?
En environ 4 ans, le régime Khmer rouge a exterminé un Cambodgien sur quatre soit 25% de la population, vous vous rendez compte ? Par peur des représailles, c’est souvent la famille entière qui y passait. Et même les tortionnaires se voyaient régulièrement passer du côté des prisonniers. La prison S21 a vu défiler plus de 22000 prisonniers dont seulement une poignée en a réchappé lors de la libération par le Vietnam en 1979. Cette visite nous a retourné l’estomac car nous sommes au cœur de l’histoire dans ces bâtiments. Et tout cela c’est passé il y seulement 40 ans…
Les Killing fields un peu plus loin dans l’horreur.
Par soucis de logistique, les prisonniers n’étaient pas exécutés au sein même de la prison S21 mais une vingtaine de kilomètres plus loin au milieu des champs. Nous suivons à nouveau l’audioguide pour une balade dans ce qui ne semble être qu’une paisible prairie verte.
Une centaine de fosses communes ont été retrouvées ici et seulement un peu plus de la moitié ont été fouillées. Par temps de forte pluie, des ossements ressortent encore à l’heure actuelle.
Avec les os retrouvés, les cambodgiens ont érigé un bâtiment à la mémoire du génocide pour que jamais on oublie.
La fleur de frangipanier symbole d’un si beau pays saigne devant toute cette barbarie.
Les prisonniers étaient emmenés ici en camion pendant la nuit pour ne pas éveiller les soupçons du voisinage. Ils étaient donc exécutés à l’aide des outils que les tortionnaires avaient sous la main : enclume, pioche, bâton, marteau,… car l’usage d’armes à feu avait été interdit.
Il y a également un arbre rempli actuellement de bracelets qui servait à l’exécution des bébés et des enfants en bas âges. Les khmers rouges les prennaient par les pieds et fracassaient leur crâne sur le tronc avant de les jeter dans la fosse à côté. Comme le disait Pol Pot, mieux faut un innocent tué plutôt qu’un traître en liberté… Quelle tristesse, quelle barbarie.
Et pourtant, malgré toutes les horreurs commises, les responsables n’ont quasiment pas été inquiété. Pol pot à paisiblement fini ses jours et s’est éteint à plus de 70 ans. Quand à Dutch, son procès à seulement été ouvert en 2008. Converti au catholicisme celui-ci a imploré le pardon pour tous ces crimes. Il n’a pas accepté sa condamnation à 30 ans de prison (vraiment cinglé jusqu’au bout ce type !) Et à fait appel pour finalement obtenir la prison à perpétuité . Justice tardive mais justice quand même!
C’est sur ce passé noir que s’achève la découverte de ce formidable pays qui est le Cambodge.
Quand l’Histoire nous prend à la gorge… et à quel point la parole des tribuns est dangereuse… Je pense à maître Vergès, monsieur « Il n’y a pas eu de génocide au Cambodge » pourtant constamment invité par des médias trop enclins à relayer la fascination malsaine, morbide, de tout-un-chacun…
Ah ben on en apprend tous les jours. Un sacré fou ce monsieur pour nier à tel point une évidence !